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L’Abandonnée.

santeries, répliqua Mme Ratsch de mauvaise humeur, tandis que Fustow, les mains dans les poches, se balançait sur ses hanches et souriait aux deux époux.

— Et pourquoi ne ferais-je pas de plaisanteries, ma petite mère ? demanda Ivan Demïanitch. La vie doit nous donner du profit, mais du plaisir plus encore, comme l’a dit un célèbre poëte. Kolia, mouche ton nez, espèce de singe ! »

IX

« Je te dois de m’être trouvé aujourd’hui dans une situation très-désagréable, dis-je à Fustow en rentrant. Tu m’avais parlé de cette… comment s’appelle-t-elle ?… Susanne, comme de la fille de M. Ratsch, et cependant elle n’est que sa belle-fille.

— En vérité, t’avais-je dit qu’elle fût sa fille ? Mais au reste… qu’importe ?

— Ce Ratsch, poursuivis-je, oh ! Alexandre, comme il me déplaît ! As-tu remarqué avec quelle insistance ironique il s’est exprimé devant elle sur le compte des juifs ? Serait-elle juive ? »

Fustow me précédait en balançant les bras ; il faisait froid, la neige craquait sous nos pieds comme du sel sec.

« Oui, je crois avoir entendu raconter quelque chose de pareil, dit-il enfin ; sa mère, à ce qu’il me semble, était juive.