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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/30

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lier branlant, et au second étage, ayant ouvert la porte à gauche, comme la vieille me l’avait recommandé, je me trouvai dans une chambre assez grande, mais démeublée, faiblement éclairée par une chandelle posée sur l’enseuillement de la fenêtre. En face de la porte, contre la muraille, était une chaise de paille. Je mouchai la chandelle, je m’assis sur la chaise et j’attendis.

Les dix premières minutes passèrent assez vite. Dans cette chambre, il n’y avait absolument rien pour attirer l’attention ; mais au moindre petit bruit que j’entendais, je regardais la porte. Le cœur me battait. Après les dix premières minutes, dix autres encore se passèrent, puis une demi-heure, trois quarts d’heure…, rien ne bougeait. De temps en temps je toussais, afin d’avertir de ma présence. Je commençai à frapper du pied ; l’impatience me gagnait. Être mystifié de cette manière n’était pas mon compte. L’envie me vint de me lever, de prendre la chandelle et de descendre… Je regardai la chandelle dont la mèche allongée s’était recouverte d’un gros champignon, et en tournant mes regards vers la porte je frissonnai involontairement… Un homme debout s’appuyait contre cette même porte. Il était entré si vite et si doucement que je n’avais rien entendu.

Il avait une simple capote bleue ; il était de taille moyenne et assez robuste en apparence. Les mains derrière le dos et avançant la tête, il me regardait fixement. La faible lumière de la chandelle ne me permettait pas de bien distinguer ses traits ; je n’a-