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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/304

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L’Abandonnée.

avait entourés d’espions, lui et moi. Il avait acheté aussi le domestique qui m’avait remis la lettre de Michel. J’ai appris en outre qu’une scène terrible avait eu lieu entre le père et le fils… Le père avait maudit le fils ! Michel avait juré de ne plus franchir le seuil de la maison paternelle ; il était parti pour Saint-Pétersbourg. Mais mon beau-père tomba lui-même dans le piége qu’il m’avait tendu. Il s’entendit déclarer par Siméon Matveitch qu’il n’exercerait plus les fonctions d’administrateur, et qu’il n’habiterait plus la campagne. Il fallait que le scandale fût vengé sur quelqu’un. Le zèle maladroit ne se pardonne pas si facilement. Au reste, M. Ratsch fut généreusement récompensé par Siméon Matveitch. Il reçut l’argent nécessaire pour venir à Moscou et pour s’y établir. Avant notre départ, on me ramena dans notre pavillon, mais sous bonne garde, comme auparavant. La perte d’un emploi aussi lucratif augmenta encore la haine que me portait mon beau-père, car, selon lui, j’étais la cause de son malheur. — Et à quoi bon ce coup de théâtre ? me dit-il plus d’une fois. Le vieux a eu le tort de trop se hâter, c’est vrai, de devenir violent ; voilà pourquoi il n’a pas réussi. Maintenant son amour-propre a souffert ; le mal est irréparable. S’il avait seulement attendu quelques jours, tout se serait arrangé à merveille. Vous ne seriez pas à présent une mademoiselle va-nu-pieds, et moi je serais encore ce que j’étais ! Mais les cheveux des femmes sont longs et leur esprit court. Enfin vous me rapporterez toujours ce qui est de