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Page:Tourgueniev - Étranges histoires (Étrange histoire ; Le roi Lear de la steppe ; Toc, Toc, Toc ; L’Abandonnée), 1873.djvu/44

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tout à coup l’innocent : diamant ! diamant ! »

Et il grinçait des dents avec fureur.

« Vieux serpent ! Mais Dieu ressuscitera, oui, il ressuscitera et il dispersera ses ennemis… Je réveillerai les morts. Je marcherai sur l’ennemi de Dieu… Ah ! ah ! ah ! Pouah !

— N’auriez-vous pas un peu d’huile, demanda une autre voix que j’entendais à peine. Je voudrais en mettre sur sa plaie… J’ai sur moi un linge propre. »

Je regardai de nouveau à la fente. La femme était toujours occupée de la jambe de l’innocent. « C’est la Madeleine », me dis-je.

« Tout de suite, tout de suite, ma colombe, dit l’hôtesse, et elle courut à ma chambre prendre avec une cuiller l’huile de la lampe allumée devant les images.

« Quelle est la femme qui l’accompagne ? lui demandai-je.

— Nous ne savons pas, mon petit père, qui elle est ; mais elle fait son salut… Peut-être que c’est pour ses péchés ; mais lui, quel saint homme que c’est !

— Akoulinouchka, ma chère enfant, ma fille bien-aimée… reprit l’innocent, et tout à coup il fondit en larmes. Sa compagne, toujours à genoux devant lui, leva les yeux.

« Ô ciel ! me dis-je, où donc ai-je vu ces yeux-là ? »

L’hôtesse rentra avec l’huile. La femme acheva le pansement, et, se relevant, demanda s’il serait possible d’avoir place dans un grenier avec un peu de