Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/130

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de sa sœur et s’était si brusquement enfermé dans sa chambre, qu’Alexandra résolut d’envoyer un exprès à Lejnieff. C’était à lui qu’elle s’adressait dans toutes les circonstances difficiles. Lejnieff lui fit répondre qu’il arriverait le lendemain.

Le matin suivant, Volinzoff n’était pas plus calme que la veille. Après le déjeuner, il avait voulu d’abord aller surveiller les travaux, puis il s’était ravisé, s’était étendu sur le divan et avait pris un livre, chose qui ne lui arrivait que fort rarement. Volinzoff ne ressentait qu’un goût fort modéré pour la littérature : les vers surtout lui inspiraient une véritable terreur.

— Rien n’est plus incompréhensible que la poésie, avait-il l’habitude de dire, et pour confirmer la justesse de cette remarque il récitait les lignes suivantes du poète Aïboulat :

Jusqu’à la fin de mes tristes jours,

Ni la fière expérience ni le raisonnement
Ne sauront flétrir de leurs mains

Les myosotis sanglants de la vie.

Alexandra jetait des regards inquiets sur son frère mais ne voulait pas l’obséder de questions. Une voiture s’arrêta au bas du perron.

— Allons ! que Dieu soit loué, pensa-t-elle, voilà Lejnieff !

Un domestique entra et annonça Roudine.

Volinzoff avait jeté son livre et relevé la tête.

— Qui est là ? demanda-t-il.

— Roudine Dimitri