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— Oui, je suis l’homme le plus heureux du monde. Pouvez-vous en douter ?

Natalie avait relevé la tête. Son pâle visage, si jeune, si noble et si ému, était bien beau à voir ainsi à la faible clarté qui tombait du ciel nocturne à travers les ténèbres mystérieuses du bosquet.

— Sachez-le donc, dit-elle : — Je serai votre femme.

— Ô Dieu ! s’écria Roudine.

Mais Natalie avait déjà fui. Roudine s’arrêta un instant, puis il quitta lentement le bosquet. La lune donnait en plein sur son visage ; un sourire plissait ses lèvres.

— Je suis heureux, dit-il à demi-voix. — Oui, je suis heureux, répéta-t-il, comme s’il désirait se le persuader à lui-même.

Il s’était redressé, avait rejeté ses cheveux en arrière, et s’était mis à marcher rapidement en agitant joyeusement ses bras.

À ce moment les branches s’entrouvraient dans le bosquet de lilas, et Pandalewski se montrait. Il regarda avec précaution autour de lui, hocha la tête, pinça ses lèvres et dit d’une manière significative : « Oh ! c’est ainsi ! Il faut en prévenir Daria ». Et il disparut.


IX


Volinzoff était rentré chez lui si sombre et si abattu, il avait répondu de si mauvaise grâce aux questions