Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/137

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Lejnieff à ses sentiments pour Natalie, quoiqu’il eût toujours supposé que ce dernier ne les ignorait pas.

— Eh bien ! sais-tu que tu m’étonnes ? répliqua Lejnieff dès que Volinzoff eut terminé son récit ; je m’attendais à bien des singularités de sa part, mais celle-ci est un peu trop forte… Du reste, je le reconnais encore là.

— Au fait, sa démarche est purement et simplement une insolence, reprit Volinzoff vivement ému. J’ai bien manqué de le jeter par la fenêtre. Veut-il se vanter devant moi, ou a-t-il peur ? Voyons, pour quel motif secret ?… Comment prendre sur soi d’aller chez un homme ?…

Volinzoff pressa sa tête de ses deux mains et s’arrêta.

— Mon ami, tu es dans l’erreur, répondit tranquillement Lejnieff ; tu refuseras de me croire et pourtant je suis sûr qu’il a fait tout cela dans une bonne intention. Oui vraiment… tout cela est si noble, si loyal ! Puis, comment aurait-il fait pour perdre une si belle occasion de parler et de montrer son éloquence ? Il a besoin de cela ; pourrait-il vivre sans jouer la comédie ?… Ah ! ah ! c’est son ennemi que sa langue !… d’un autre côté, elle lui rend de bien grands services.

— Tu ne peux t’imaginer de quel air solennel il est entré et s’est mis à discourir !

— Je le crois bien, tout est solennel avec lui. Il boutonne sa redingote comme s’il remplissait un