Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/150

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reste plus maintenant qu’à vous remercier pour la leçon que je viens de recevoir de vous et à vous dire adieu.

— Arrêtez, pour l’amour de Dieu ! Je vous en conjure, Natalie, je n’ai pas mérité votre mépris, je vous le jure ! Mettez-vous à ma place. Je réponds pour vous et pour moi. Si je ne vous aimais pas de l’amour le plus dévoué, qui aurait pu m’empêcher de vous proposer sur l’heure de fuir avec moi ?… Tôt ou tard, votre mère vous aurait pardonné… et alors… Mais avant de penser à mon propre bonheur…

Il se tut. Le regard de Natalie, nettement fixé sur le sien, le troublait.

— Vous vous efforcez de me prouver que vous êtes un honnête homme, Dimitri Nicolaïtch, lui dit-elle ; je n’en doute pas. Vous n’êtes pas capable d’agir par calcul : mais avais-je donc besoin d’être persuadée de cela ? Était-ce pour cela que je venais ici ?

— Je ne m’attendais pas, Natalie…

— Ah ! vous vous trahissez malgré vous ! Non vous ne vous attendiez pas à ma réponse ; vous ne me connaissiez pas. Mais soyez sans inquiétude : vous ne m’aimez pas et je ne m’impose à personne.

— Je vous aime ! s’écria Roudine.

Natalie se redressa.

— Soit ! Mais comment m’aimez-vous ? Je me rappelle toutes vos paroles, Dimitri Nicolaïtch. Vous souvenez-vous de m’avoir dit un jour qu’il n’y a pas d’amour sans égalité complète entre ceux qui aiment ?…