Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/154

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— Non, s’écria-t-il, je n’ai pas la force de supporter ceci plus longtemps. Je provoquerai ce prodige ; il me tuera, ou bien j’arriverai à loger une balle dans son front savant.

— De grâce ! qu’as-tu, qu’as-tu donc ? gronda Lejnieff. Comment peux-tu crier de la sorte ? J’en ai laissé tomber mon cigare… Qu’est-ce qui te prend ?

— Il me prend que je ne puis plus entendre prononcer son nom de sang-froid ; tout bouillonne en moi.

— Assez, frère, assez ! N’as-tu pas honte ? répondit Lejnieff en ramassant son cigare. Laisse-le donc tranquille ?

— Il m’a offensé, continua Volinzoff en arpentant la chambre… Oui, il m’a profondément offensé. Tu dois en convenir toi-même. Dans le premier moment je ne m’en rendais pas compte, j’étais trop surpris, et, au fait, qui donc se serait attendu à cela ? Je vais lui prouver qu’il ne fait pas bon plaisanter avec moi. Ce maudit philosophe, je le tuerai comme une perdrix.

— Tu gagneras grand-chose à ce jeu-là ! Je ne parle pas même de ta sœur ; dominé par la passion comme tu l’es, comment penserais-tu à elle ? Mais, relativement à une autre personne, crois-tu avancer beaucoup les affaires en tuant le philosophe, pour parler à ta façon ?

Volinzoff se jeta dans un fauteuil.

— Je veux aller quelque part alors, car ici j’ai le