Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cœur tellement serré par la tristesse que je ne puis trouver de repos.

— T’en aller ? .. c’est une autre question. Je suis de ton avis cette fois. Et sais-tu ce que je te propose ? Partons ensemble, rendons-nous au Caucase ou simplement dans la petite Russie. Tu as une bonne idée, frère.

— Oui, mais avec qui laisserons-nous ma sœur ?

— Et pourquoi Alexandra ne viendrait-elle pas avec nous ? Cela se peut parfaitement, vrai Dieu ! Je prends sur moi d’avoir soin d’elle. Rien ne lui manquera ; elle n’a qu’à parler et je lui organise chaque soir une sérénade sous sa fenêtre ; je parfume les postillons à l’eau de Cologne, je fais planter des fleurs le long de la route. Pour ce qui est de nous, frère, ce sera tout bonnement une régénération ; nous trouverons dans ce voyage tant de jouissances et nous reviendrons avec de si gros ventres, que l’amour ne s’attaquera plus à nous.

— Tu plaisantes toujours, Michaël.

— Je ne plaisante pas du tout. C’est une pensée brillante qui a jailli de mon cerveau !

— N’en parlons plus ! s’écria de nouveau Volinzoff ; je veux me battre, me battre avec lui.

— Encore ! voyons, frère, tu es fou aujourd’hui. Un domestique entra avec une lettre.

— De qui ? demanda Lejnieff.

— De Roudine Dimitri Nicolaïtch. C’est le domestique de madame Lassounska qui l’a apportée.