Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/156

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— De Roudine ! reprit Volinzoff. Pour qui ?

— Pour vous, monsieur.

— Pour moi ! donne donc. Volinzoff saisit la lettre, la décacheta rapidement et se mit à lire. Lejnieff suivait tous ses mouvements des yeux avec attention. Une expression d’étonnement étrange et presque joyeux se répandait sur les traits de Volinzoff. Il avait laissé retomber ses mains.

— De quoi s’agit-il ? lui demanda Lejnieff.

— Lis, répondit Volinzoff à demi-voix en lui tendant la lettre. Lejnieff commença à lire. Voici ce qu’écrivait Roudine :

« Monsieur,

« Je quitte aujourd’hui la maison de Daria Michaëlowna, et je pars pour toujours : cela vous étonnera probablement, surtout après notre entrevue d’hier. Je ne puis vous expliquer ce qui m’a forcé à agir ainsi, mais il me semble que je dois vous prévenir de mon départ. Vous ne m’aimez pas et me tenez même pour un méchant homme. Je n’ai pas l’intention de me justifier. Le temps le fera pour moi. Il est inutile, et indigne d’un homme, de chercher à convaincre de l’injustice de sa prévention une personne prévenue contre lui. Celui qui voudra me comprendre m’excusera ; quant à celui qui ne veut ni ne peut me comprendre, son accusation ne me touche pas. Je me suis