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Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/214

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— Il ne méritait pas mieux ! et Natalie Alexéiewna se porte-t-elle bien ?

— Oui.

— Est-elle heureuse ?

— Oui. Roudine demeura un instant silencieux.

— De quoi parlais-je donc ?… Ah oui ! du professeur de mathématiques. Il se prit de haine contre moi ; il comparait mes leçons à un feu d’artifice, saisissait au vol chaque expression qui n’était pas d’une clarté rigoureuse, et alla même une fois jusqu’à me pousser au pied du mur à propos de je ne sais plus quel document du seizième siècle que je ne connaissais pas. Toutes mes intentions lui étaient suspectes ; la dernière de mes séduisantes bulles de savon vint crever sur lui comme sur une épingle. L’inspecteur, avec lequel je m’étais trouvé plus d’une fois en désaccord, excita le directeur contre moi ; il s’ensuivit une scène où je ne voulus pas céder. Je m’emportai. L’affaire fut déférée aux autorités ; je me vis obligé de quitter le service. Je ne me tins pas pour battu ; je voulus montrer qu’on ne pouvait pas agir de la sorte avec moi… Mais, hélas ! on peut agir avec moi comme on le veut… Maintenant il faut que je m’en aille d’ici.

Il y eut encore un moment de silence. Les deux amis gardaient la tête baissée. Roudine fut le premier à reprendre la parole.

— Oui, frère, poursuivit-il, j’en suis venu à dire avec Kolzoff : «