Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/318

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– Par Dieu, je n’en sais rien.

– Sont-elles jeunes ?

– La plus jeune peut bien avoir plus de quarante ans.

– Tu radotes !

Le starosta se tut. Sachant par expérience que lorsqu’un Russe se met à répondre d’une certaine façon, il n’y a pas moyen d’en rien tirer de raisonnable, voyant de plus que mon hôte venait seulement de se mettre au lit, et qu’il s’inclinait légèrement en avant à chaque réponse, dilatant ses paupières dans un étonnement enfantin, et desserrant avec effort ses lèvres collées par le miel du premier sommeil, je fis un signe de la main, et, refusant de souper, j’allai dans la remise.

J’eus beaucoup de peine à m’endormir. – Qui est-elle ? me demandais-je constamment. Est-elle Russe ? Si elle est Russe, pourquoi s’exprime-t-elle en italien ? Le starosta prétend qu’elle n’est plus jeune… ; mais il radote… Et quel est cet homme ?… Décidément il n’y a moyen d’y rien comprendre… Mais quelle singulière coïncidence ! Est-il possible que deux fois de suite ?… Il faut positivement que je sache qui elle est, et pourquoi elle est ici.

Agité par ces pensées confuses, je m’endormis tard, et mon sommeil fut troublé par des rêves étranges. Je croyais errer dans un désert par la forte chaleur du midi ; tout à coup je vois courir une grande tache