Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/319

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d’ombre sur le sable jaune et ardent qui s’étendait devant moi, et, levant la tête, je l’aperçois, elle, ma beauté, emportée dans les airs. Elle est toute vêtue de blanc ; ses longues ailes sont blanches, elle m’appelle. Je veux la suivre, mais elle flotte au loin, légère et rapide, et moi je ne puis m’élever de terre… J’étends vainement les mains. Addio ! me dit-elle en s’envolant. Pourquoi n’as-tu pas des ailes ?… Addio ! – Et voilà que de tous côtés cet addio retentit ; chaque grain de sable le répète et me crie : Addio ! Cet Addio vibrait en moi comme un trille aigu et insupportable. Je la cherchai des yeux ; mais elle n’était déjà plus qu’un petit nuage, et s’élevait lentement vers le soleil, qui étendit vers elle de longs rayons dorés. Bientôt ces rayons l’enveloppèrent, et elle s’évapora, tandis que moi, je criais à pleine gorge, comme un furieux : « Ce n’est pas le soleil, ce n’est pas le soleil, c’est une araignée italienne ! Qui donc lui a donné un passeport pour la Russie ? Je la dénoncerai. Je l’ai vue voler des oranges dans le jardin ».

Dans un autre rêve, il me sembla que je traversais en grande hâte un sentier étroit et escarpé. Je ne sais quel bonheur inespéré m’attendait. Tout à coup un énorme rocher se dresse devant moi. Je cherche un passage, je n’en trouve ni à droite ni à gauche. Au même instant une voix se fait entendre derrière le rocher : Passa que’i colli… Cette voix m’attire, elle recommence son appel. Je me débattais péniblement, je cherchais au moins la plus petite issue. Hélas ! partout