Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/330

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– Quel original tu fais ! répliquai-je, non sans un certain embarras. – Et, relevant la pièce de monnaie, je la lui tendis de nouveau. – Prends, prends, ce sera pour du thé.

– Je vous remercie, me répondit Loukianitch en souriant avec calme. Je n’en ai pas besoin ; je puis vivre sans cela.

– Prends, et je suis prêt à t’en donner davantage avec plaisir, continuai-je un peu embarrassé.

– Et pourquoi donc ? Daignez ne pas vous inquiéter. Je vous suis très reconnaissant de votre attention ; mais quant à moi, j’ai assez de pain, et encore en aurai-je peut-être de trop ; c’est selon les circonstances !

Et il se leva en étendant la main vers la petite porte.

– Attends, vieux ! lui dis-je presque avec désespoir. Que tu es peu causeur aujourd’hui !… Dis-moi au moins si ta maîtresse est levée ou non.

– Elle est levée.

– Et… est-elle à la maison ?

– Non.

– Est-elle à la maison ?

– Non.

– Est-elle allée faire des visites ?

– Non pas ; elle est allée à Moscou.

– Comment ! à Moscou ? Mais ce matin elle était ici.

– Oui.

– Et il n’y a pas longtemps qu’elle est partie ?

– Il n’y a pas longtemps.

– Combien de temps y a-t-il, mon ami ?