Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/40

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le plus élevé ! C’est ma mort que ce point de vue élevé. Et comment peut-on voir de haut ? Ira-t-on monter sur une tour pour examiner un cheval quand il s’agit de l’acheter ?

— Votre baron ne vous apporte-t-il pas un certain article ? demanda Alexandra Pawlowna.

— Il apporte un article, répondit Daria Michaëlowna avec une négligence calculée ; — un article sur les rapports du commerce et de l’industrie en Russie… Mais ne craignez rien, nous n’allons pas le lire à présent… Ce n’est pas pour cela que je vous ai invités. Le baron est aussi aimable que savant. Il parle si bien le russe ! c’est un vrai torrent… il vous entraîne.

— Il parle si bien le russe, murmura Pigassoff, qu’il mérite qu’on le loue en français.

— Grognez toujours, Africain Siméonowitch, grognez… cela va très-bien à votre chevelure hérissée… Mais pourquoi n’arrive-t-il pas ? Messieurs et mesdames, voulez-vous que nous allions au jardin ? continua Daria Michaëlowna en regardant autour d’elle. Il nous reste encore près d’une heure avant le dîner et il fait un temps magnifique.

Tout le monde se leva et se dirigea vers le jardin.

Le jardin de Daria Michaëlowna s’étendait jusqu’à la rivière. Il était orné de bosquets d’acacias et de lilas, et coupé par plusieurs allées de vieux tilleuls d’un sombre doré, tout imprégnées de parfums, au travers desquelles on apercevait de lointaines échappées d’un vert d’émeraude.