sistoff roulait des boulettes de pain et ne pensait à rien. Pigassoff lui-même se taisait, et quand Daria Michaëlowna lui fit observer qu’il n’était pas aimable ce jour-là, il répondit d’un ton morose : Quand donc suis-je aimable ? Ce n’est pas mon affaire… Il ajouta avec un amer sourire : Prenez patience ; moi, voyez-vous, je suis du kvass[1], du simple kvass russe, tandis que votre gentilhomme de la chambre…
— Bravo ! s’écria Daria Michaëlowna. Pigassoff est jaloux ; il est jaloux d’avance.
Mais Pigassoff ne répondit rien et se contenta de la regarder en dessous. Sept heures sonnèrent et tout le monde retourna au salon.
— Il paraît qu’il ne viendra pas, dit Daria Michaëlowna.
On entendit au même instant le roulement d’une voiture. Un petit tarantass[2] entrait dans la cour. Quelques instants après, un domestique vint présenter à Daria Michaëlowna une lettre sur un plateau d’argent.
Elle la parcourut jusqu’au bout, et, se tournant vers le laquais :
— Où est, lui dit-elle, le monsieur qui a apporté cette lettre ?
— Il est dans la voiture. Madame ordonne-t-elle qu’on le reçoive ?
— Oui. Priez-le d’entrer.