Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/44

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

Le domestique sortit.

— Quel ennui ! ajouta Daria Michaëlowna. Le baron a reçu l’ordre de retourner immédiatement à Pétersbourg. Il m’envoie son article par son ami, un certain M. Roudine. Le baron devait me le présenter ; — il le prise beaucoup. Mais quel guignon ! j’espérais que le baron s’établirait ici…

Le domestique annonça M. Dimitri Nicolaïtch Roudine.


IV



Le nouveau venu pouvait avoir trente-cinq ans. Il était grand de taille, mais un peu voûté. Ses cheveux étaient bouclés, son teint basané, son visage peu régulier, mais expressif et intelligent. Un humide éclat brillait dans ses yeux bleu foncé, pétillants de vivacité ; son nez était large et droit, ses lèvres fortes et bien dessinées. Il portait des habits usés et étroits comme s’il avait grandi depuis qu’il les possédait.

Il s’approcha rapidement de Daria Michaëlowna, lui fit un salut profond, et dit qu’il y avait déjà longtemps qu’il désirait avoir l’honneur de lui être présenté, et que son ami le baron regrettait beaucoup de n’avoir pu prendre lui-même congé d’elle.

La voix fluette de Roudine ne répondait ni à sa taille, ni à sa large poitrine.

— Veuillez vous asseoir. Je suis enchantée de vous