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Page:Tourgueniev - Dimitri Roudine, 1862.djvu/78

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— Oui, nous allons au jardin.

— M’est-il permis de vous accompagner ?

Natalie jeta un regard à mademoiselle Boncourt et répondit :

— Certainement, monsieur, avec plaisir.

Roudine prit son chapeau et suivit ces dames.

Natalie était d’abord un peu intimidée en marchant à côté de Roudine, mais elle se remit facilement. Il commença à l’interroger sur ses occupations et sur les objets qui lui plaisaient à la campagne. Natalie répondit, non pas sans quelque embarras, mais du moins sans cette timidité inquiète que l’on prend si souvent pour de la modestie.

— Vous ne vous ennuyez pas à la campagne ? demanda Roudine en lui jetant un regard de côté.

— Comment peut-on s’ennuyer à la campagne ? Je suis très-contente d’être ici… J’y suis fort heureuse…

— Vous êtes heureuse. Voilà un grand mot ! Du reste, cela se comprend, vous êtes jeune.

Roudine prononça cette dernière parole d’une manière un peu étrange ; on ne savait trop s’il enviait Natalie ou s’il la plaignait.

— Oui, la jeunesse ! continua-t-il. Tout le but de la science est de nous donner à force de travail ce que la jeunesse nous accorde gratuitement.

Natalie regardait Roudine avec attention : elle ne le comprenait pas.

— J’ai causé durant une partie de la matinée avec votre mère, poursuivit-il ; ce n’est pas une femme