Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

expliquer une fois pour toutes, afin qu’à l’avenir il n’y ait plus entre nous aucune… gêne. Vous devez m’assurer que vous me pardonnerez, sans cela je supposerai que vous me conservez de la rancune. Voilà ! C’est probablement une fatuité de ma part, car vous avez sans doute depuis longtemps tout oublié ; mais c’est égal, dites-moi que vous m’avez pardonné.

Irène débita cette harangue sans reprendre haleine, et Litvinof remarqua que des larmes, de vraies larmes, brillaient dans ses yeux.

— De grâce, Irène Pavlovna, s’empressa-t-il de lui répondre, pourquoi vous excuser, implorer votre pardon ? Le passé a fui comme l’eau, et il ne me reste qu’à être étonné de ce qu’au milieu de l’éclat qui vous entoure, vous ayez encore pu conserver le souvenir de l’obscur compagnon du matin de votre jeunesse.

— Cela vous surprend ? dit à voix basse Irène.

— Cela me touche, reprit Litvinof, parce que je ne pouvais m’imaginer…

— Vous ne m’avez toujours pas dit que vous me pardonniez, interrompit Irène.

— Je me réjouis sincèrement de votre bonheur, Irène Pavlovna ; je vous souhaite toutes les félicités possibles.

— Et vous ne vous souvenez plus du mal ?

— Je ne me souviens que des heureux instants que vous m’avez naguère procurés.

Irène lui tendit ses deux mains. Litvinof les serra