Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/150

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pavaner ! Prenez une fourmi dans le bois, portez-la à une verste de sa fourmilière, elle en retrouvera le chemin ; l’homme ne peut rien faire de pareil ; est-ce à dire qu’il est inférieur à la fourmi ? L’instinct, quand il serait porté au suprême degré, n’est pas ce qui distingue l’homme ; ce qui le distingue, c’est le bon sens, le simple bon sens, le vrai bon sens ; voilà notre apanage, notre juste motif d’orgueil. Quant à Koulibine, qui, sans connaître la mécanique, fabriqua une horloge très mauvaise, j’aurais fait exposer son horloge sur un pilori avec cette inscription : « Voyez, braves gens, comme il ne faut pas travailler. » Koulibine n’est pas coupable, mais sa manière ne vaut pas un fétu. Faites l’éloge du couvreur Telouchkine pour la hardiesse et l’agilité qu’il a mises à atteindre l’aiguille de l’Amirauté, je le veux bien ; mais ne hurlez pas qu’il a donné un pied de nez aux architectes allemands, qu’ils ne sont bons qu’à empocher de l’argent. Il ne leur a pas donné un pied de nez : il a bien fallu recourir à eux pour réparer l’aiguille, après qu’elle a été démontée. Pour l’amour de Dieu, ne répandez pas en Russie l’idée que l’on peut parvenir à quelque chose sans étude ! Non, quand tu aurais un front large de sept empans, apprends, apprends à commencer par l’alphabet, sinon tais-toi et reste tranquille. Ouf ! j’en ai chaud.

Potoughine ôta son chapeau et s’éventa avec son mouchoir.

— Les beaux-arts, reprit Potoughine, l’industrie