Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/202

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inerte et méchant effleura les lèvres de Litvinof ; il parlait par saccades et avec nonchalance, il avait l’air d’être dépité ou ennuyé. Mais, en se tournant vers Tatiana, il faillit perdre contenance : elle le regardait avec attention et semblait se demander à elle-même quel genre d’impression il lui faisait. Il s’empressa de lui faire un signe de tête, elle y répondit et recommença à le regarder d’une façon interrogative et avec une certaine attention, comme s’il était bien plus loin d’elle qu’il ne l’était réellement. Litvinof arracha ces dames au Conversationhaus, et, évitant « l’arbre russe, » sous lequel étaient déjà installés deux compatriotes, il se dirigea vers l’allée de Lichtenthal. Il n’y était pas encore entré qu’il vit de loin Irène. Elle venait à leur rencontre avec son mari et Potoughine. Litvinof pâlit comme un linge ; cependant il ne hâta point sa marche, et, lorsqu’ils se rencontrèrent, il lui fit une inclination muette. Elle salua froidement et, après avoir jeté sur Tatiana un regard scrutateur, elle passa son chemin. Ratmirof leva son chapeau très haut, Potoughine murmura quelque chose d’inintelligible.

— Quelle est cette dame ? demanda Tatiana, qui n’avait pas ouvert la bouche jusqu’alors.

— Cette dame ? répéta Litvinof, cette dame ? c’est une certaine madame Ratmirof.

— Une Russe ?

— Oui.

— Vous avez fait ici sa connaissance ?