Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/215

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qu’avez-vous de particulier à me dire ? dit lentement Litvinof en reprenant le pas.

— Voici… permettez… tout de suite. Si cela vous est égal, établissons-nous sur ce banc ; ce sera plus commode.

— C’est donc quelque chose de mystérieux, dit Litvinof en prenant place à côté de lui. Vous n’êtes pas dans votre assiette ordinaire, Sozonthe Ivanovitch.

— Non, je n’ai rien, et je n’ai rien de secret à vous dire. Je voulais seulement vous confier… l’impression que m’a faite votre fiancée… car cette demoiselle avec laquelle vous m’avez fait faire connaissance aujourd’hui, n’est-ce pas ? votre fiancée. Je dois vous avouer que je n’ai jamais rencontré dans tout le cours de ma vie un être plus sympathique. C’est un cœur d’or, une âme angélique.

Potoughine prononça tous ces mots sur un ton amer et triste, de sorte que Litvinof lui-même remarqua l’étrange contradiction qu’il y avait entre son expression et son langage.

— Vous jugez parfaitement Tatiana Pétrovna, dit-il, mais j’ai lieu d’être surpris… d’abord, que vous soyez si bien édifié sur mes relations avec elle, puis, que vous l’ayez si promptement devinée. Elle a en effet une âme angélique, mais permettez-moi de vous demander si c’est de cela que vous vouliez causer avec moi ?

— Il est impossible de ne pas comprendre tout de suite, se hâta de dire Potoughine, ayant l’air