la terre de sa mère, inintelligemment administrée par son vieux père, ne donnait pas la dixième partie de ce qu’elle pouvait rendre dans des mains habiles ; mais il comprit en même temps que l’expérience lui manquait, et, pour l’acquérir, il voyagea afin d’étudier sérieusement l’agronomie et la technologie. Il passa près de quatre ans dans le Mecklembourg, en Silésie, à Carlsruhe ; il visita la Belgique et l’Angleterre, s’appliqua sérieusement et acquit des connaissances.
Cela ne lui fut pas aisé, mais il tint à soutenir l’épreuve jusqu’à son terme, et à présent, sûr de lui-même, de son avenir, du bien qu’il pouvait faire à ses concitoyens, qui sait ? même à toute la Russie, il s’apprêtait à rentrer dans son héritage, où ne cessait de le rappeler son père, complètement désorienté par l’émancipation et toutes les mesures qui en dérivent. Mais pourquoi donc s’arrêter à Baden ?
Il est à Baden, parce qu’il attend de jour en jour sa cousine et sa fiancée Tatiana Petrovna Chestof. Il la connaissait presque dès son enfance, et avait passé avec elle l’été dernier à Dresde, où elle s’était établie avec sa tante. Il aimait sincèrement, il estimait profondément sa jeune parente ; sur le point de terminer ses obscurs travaux préparatoires, s’apprêtant à commencer une nouvelle carrière, il lui offrit de lier sa vie à la sienne, for better for worse, comme disent les Anglais. Elle y consentit, et il se dépêcha de retourner prendre à Carlsruhe ses livres et ses