Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/51

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prenez-vous ? c’est un grand mot ! Puis, que signifient ces incendies… ces mesures du gouvernement contre les écoles du dimanche, les cabinets de lecture, les journaux ? Et le refus des paysans de signer les actes qui terminent leurs rapports avec leurs ex-seigneurs ? Et enfin ce qui arrive en Pologne ? Ne voyez-vous pas où tout cela mène ? Ne voyez-vous pas… mm… qu’il nous faut maintenant nous confondre avec le peuple, savoir ses opinions ?

Une sorte d’agitation sourde, presque méchante, s’était subitement emparée de Goubaref ; son visage s’était enflammé, sa respiration était pénible, mais il n’en tenait pas moins toujours ses yeux baissés et mâchonnait sa barbe. — Ne voyez-vous pas…

— Evséef est un gredin ! s’écria tout à coup madame Soukhantchikof à laquelle Bambaéf, par considération pour le maître de la maison, racontait quelque chose à demi-voix. Goubaref tourna court sur ses talons et recommença à arpenter la chambre.

De nouveaux hôtes arrivèrent ; à la fin de la soirée le salon était plein. Parmi les nouveaux venus étaient M. Evséef, si rudement qualifié une minute auparavant par madame Soukhantchikof. — Elle s’entretint très-cordialement avec lui et le pria de la reconduire chez elle, — et un certain Pichtchalkin, idéal des arbitres de paix, un de ces hommes dont peut-être la Russie a réellement besoin ; peu doué, peu instruit, mais consciencieux, patient