Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/58

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trouvé. J’avais continuellement envie de demander à ces messieurs pourquoi ils se donnaient tant de peine.

Potoughine soupira de nouveau.

— Le plus drôle c’est qu’ils ne s’en doutent pas eux-mêmes. Naguère on les aurait appelés des instruments aveugles d’une force supérieure ; mais par le temps qui court, nous nous servons d’épithètes plus énergiques. Et remarquez que je ne suis nullement porté à les accuser ; je dirai plus, ils sont tous… au moins presque tous… des gens excellents. Je sais, par exemple, de source certaine, sur madame Soukhantchikof des choses qui lui font honneur. Elle a donné son dernier sou à deux pauvres nièces. Supposons que le désir de se poser y entre pour quelque chose, ce n’en est pas moins, il faut l’avouer, une louable action pour une femme qui n’est elle-même pas riche. Il n’y a pas un mot à dire sur monsieur Pichtchalkin ; avec le temps, les paysans de son district lui offriront certainement une coupe d’argent en forme de melon d’eau et peut-être une image de son patron, et, quoi qu’il leur réponde qu’il n’a pas mérité un tel honneur, il l’aura parfaitement gagné. Votre ami, M. Bambaéf, a un cœur d’or ; il est vrai que, pareil au poète Iazikof qui, dit-on, célébrait le vin et l’oisiveté sans quitter les livres et ne buvait que de l’eau, son enthousiasme n’a pas de but déterminé, mais il ne s’enthousiasme pas moins. M. Vorochilof est également un brave homme ; comme tous les hommes de son école