Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/57

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de terre ; il paraissait maladroit, sauvage, mais évidemment ce n’était pas un homme ordinaire. Il était mis sans recherche ; une large redingote l’enveloppait comme un sac, et sa cravate était de travers. Loin de prendre en mauvaise part sa subite confiance, Litvinof en fut secrètement flatté. On voyait bien que cet homme n’avait pas coutume de se lier ainsi avec des inconnus. L’impression qu’il fit sur Litvinof était singulière : il lui inspira à la fois de l’estime, de la sympathie et une certaine compassion involontaire.

— Je ne vous dérange donc pas ? répéta-t-il d’une voix douce, un peu enrouée et faible, qui allait on ne peut mieux à toute sa figure.

— Comment donc ! repartit Litvinof, je suis, au contraire, charmé…

— Vraiment ? Eh bien, moi aussi. J’ai beaucoup entendu parler de vous ; je connais vos occupations et vos intentions. Je les approuve. Il n’est pas étonnant que vous soyez demeuré aujourd’hui silencieux.

— Il me semble que vous n’avez pas non plus beaucoup parlé, répondit Litvinof.

Potoughine soupira.

— D’autres n’ont que trop parlé. J’écoutais. — Eh bien, ajouta-t-il après un moment de silence et en relevant ses sourcils d’une façon comique, comment avez-vous trouvé notre confusion des langues de la tour de Babel ?

— Confusion des langues ! est admirablement