Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/68

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sur elles un silence respectueux, parce que ces fautes mêmes lui sont utiles et renferment un enseignement salutaire. Si vous tenez absolument à persifler la pourriture de l’Occident, prenez le prince Coco qui passe là-bas si vite : il vient probablement d’engloutir en un quart d’heure sur le tapis vert la pénible redevance de cent cinquante familles ; ses nerfs sont maintenant agacés, et puis je l’ai vu ce matin feuilleter chez Marx une brochure de Veuillot… Voilà un charmant causeur !

— Permettez, dit précipitamment Litvinof, en voyant Potoughine se lever. Je connais très peu le prince Coco, et préfère certainement votre conversation…

— Je vous suis très reconnaissant, reprit Potoughine en s’inclinant ; mais voilà déjà longtemps que je cause avec vous, ou plutôt que je parle tout seul, et vous avez peut-être vous-même remarqué qu’on finit par avoir un peu honte de son éloquence, quand on ne reçoit pas de réplique. Puis, cela suffit ainsi pour la première fois. Au bon revoir. Je vous le répète, je suis charmé d’avoir fait votre connaissance.

— Mais, attendez, Sozonthe Ivanovitch ; dites-moi où vous demeurez et combien de temps vous comptez rester ici.

Cette question sembla l’embarrasser.

— Je resterai bien encore une semaine à Baden ; nous nous retrouverons ici chez Weber ou chez Marx… Je pourrai aussi passer chez vous.