Page:Tourgueniev - Fumée.djvu/69

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— Quoi qu’il en soit, je voudrais savoir votre adresse.

— Oui ; mais voilà ce qu’il y a… je ne suis pas seul.

— Vous êtes marié ?

— Quelle idée ! Comment peut-on parler ainsi, sans réfléchir ? Non… Mais j’ai avec moi une jeune personne.

— Ah ! fit Litvinof sur un ton d’excuse.

— Elle n’a que six ans, ajouta Potoughine. C’est une orpheline… la fille d’une dame… d’une de mes bonnes connaissances. Il vaut mieux que nous nous rejoignions ici. Adieu.

Il enfonça son chapeau sur sa tête ébouriffée et s’éloigna rapidement dans la direction de l’allée de Lichtenthal.

« Singulier personnage ! pensait Litvinof en regagnant son hôtel ; il faudra le retrouver. » Il entra dans sa chambre ; une lettre était sur sa table. « C’est de Tania, » se dit-il avec joie ; mais la lettre venait de la campagne, de son père. Litvinof brisa un épais cachet armorié et se disposait à lire… lorsqu’il fut frappé par une odeur pénétrante, très agréable, qui ne lui était pas inconnue ; il se retourna et aperçut sur la fenêtre, dans un verre, un bouquet d’héliotropes. Litvinof le considéra non sans surprise, le toucha, le sentit. Cela lui rappelait vaguement quelque chose, quelque chose de très éloigné, mais qu’était-ce ? il ne pouvait le déterminer. Il sonna le domestique et lui demanda d’où