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Page:Tourgueniev - Mémoires d’un seigneur russe.djvu/101

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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 85

rassemblâmes alors, et il fut parlé d’aller lui glisser.... un remercîment de sa bonne visite. Mais le vieux Prokorytch dit : « Vous ne ferez par là qu’attirer la mouche et d’autres - après elle. Nous sommes en règle ou nous n’y sommes pas. » On en crut le vieillard ; l’employé cria, se plaignit et écrivit un méchant rapport. Maintenant une enquête est commencée. Je leur ai demandé si en eiïet leurs magasins étaient bien au complet : · Dieu nous est témoin, dirent-ils, que ’ tout y est tenu dans le meilleur ordre, et que la quantité de blé voulue par la loi est là. — Eh bien ! leur ai-je dit, vous 1l’&V8Z rien à craindre. » Et j’écrivis pour eux un papier · qu’ils ont produit dans l’enquête. On ne sait pas encore de quel côté sera mis le tort ; mais que l’on soitvenu à vous se plaindre de moi en cette occasion, c’est facile à expliquer : on sait que ce qui tient de plus près au corps après la peau, c’est la chemise, et je suis votre neveu ; c’est donc sur vous qu’on me pince.. —

Bon, j’y suis. Et l’autre tripotage avec les paysans de Choutolomovski.

— Comment savez-vous cela Y

— Tu vois que j’en sais quelque chose.—

Là encore-, je n’ai aucun tort ; là encore je vous prends pour juge. Les paysans de ce village ont pour voisin un certain Bezpandine, qui amis en.culture quatre arpents de leurs terres. Il dit que ces terres sont à lui, les paysans de Choutolomovski soutiennent unanimement le contraire, mais leur seigneur est à· l’étranger : qui donc défendra leurs droits ? L5 terre est pourtant bien à eux, c’est incontestable, à eux depuis plus d’un siècle, les actes en font foi ; Ils sont venus me prier d’écrire pour eux une supplique. Pourquoi leur aurais-je refusé ce service ? Bezpandine l’a su, en de là. des cris et des colères. « Je lui arracherai les pattes du corps, .dit«·il<, si je ne lui arrache pas d’abord les yeux· et la tête. »’Pour le moment-, j’ai encore ma tête et mes pattes, bien à votre service, mon cher oncle. 2

- Là, la’ ! ne- te surfais pas, ne te vante de rien ; il nelui arrivera rien de bon à ta tête ; tu es aux trois quarts fou, · je te le garantis.-