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100 MEHGIRES
seurs sont une race accommodante. Soutchok manœuvrait à 0 l’arrière ; Ermolaî regardait en avant ; Vladimir et moi nous regardions à nos pieds, que l’eau’ne’tarda pas à venir baigner en se faisant jour malgré le calfeutrage. Parbonheurle temps était très-calme et les eaux de l’étang n’avaient pas une ride à la surface.
Nous avancions lentement. Le vieillard avait bien de la peine chaque fois à retirer sa perche de plusieurs pieds de vase, et il fallait la dégager aussi souvent des longues herbes qui s’y entortillaient ; les larges feuilles et les tiges flexibles du nénufar résistaient aussi au passage de notre embarcation. Enfin pourtant nous gagnâmes les jonc haies et le spectacle commença : les canards s’élevèrent en faisant une véritable éruption, époiivantés de l’importune visite que nous rendions à leurs domaines ; notre fusillade fut assez nourrie, et ce fut un plaisir de voir comme ces oiseaux courts, lourds et rondelets descendaient en tournoyant dans l’air et heurtaient l’eau en tombant comme un coup frappé à plat par le battoir des laveuses. Il va sans dire que nous ne pûmes nous saisir de tous ceux qui furent atteints ; ceux qui n’avaient attrapé que quelques grains plongeaient avec une grande présence d’esprit ; d’autres bien tués tombaient en pleine roselière, et là les yeux mêmes d’Ermolaî, dont la portée était pourtant décuple de celle de son fusil, ne parvenaient pas à les retrouver. Toujours est -il qu’à midi notre bateau était encombré de victimes amoncelées en pyramides.
Vladimir, à la grande joie d’Ermolaï, tirait fort mal, et, j après chaque coup perdu, faisait mine de s’étonner, examinait, soufflait à la batterie et finissait par vouloir nous expliquer les causes de sa déconvenue. Ermolaî tirait comme toujours, victorieusement bien, moi assez mal, comme d’ordinaire. Soutchok nous regardait de l’œil d’un homme qui dès l’enfance a vécu dans l’état de domesticité ; de temps en temps il s’écriait : « Voilà, voilà encore un canard ! » Puis, tout honteux d’avoir placé un mot, il se grattait le dos, non avec les mains, mais par-un remuement particulier des deux épaules et de l’arrière-train. Le temps se soutenait au beau