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sils. Les chiens faisaient tournoyer leurs queues avec une rapidité incroyable, dans l’attente d’un ortolan. Les chevaux hennissaient sous un hangar ouvert. Le soleil baissait ; ses derniers rayons teignaient l’occident d’une magnifique couleur ponceau ; des nuages dorés s’étendaient, s’étiraient, s’affaiblissaient comme s’ils eussent fondu en petites vagues frisées ; et dans le village on entendait des chants nationaux. ·

VIII.

Béejine lough. — Les superstitions populaires en Russie. C’était un beau jour de juillet, un de ces jours quîon ne voit que quand le beau fixe est depuis longtemps établi. Immédiatement après l’aube, le ciel est serein ; l’aurore n’est pas un vaste incendie, elle n’est que modestement vermeille ; le soleil n’est pas de feu, de fer rouge, comme dans les jours de grande sécheresse caniculaire, ni de ce ponceau très-foncé, messager des tempêtes, mais clair et doucement radieux ; il surnage dans une nuée étreite et longue, il resplendit de fraîcheur, il est comme baigné de vapeurs qu’il semble produire lui-même en s’élevant sur le monde enchanté. La couleur de l’horizon est légère et d’un lilas pâle, la même à tous les points, et invariable tout le jour ; nulle part la moindre nue menaçante ne brunit, ne s’épaissit, si ce n’est peut-être quelques bandes bleuâtres descendant presque perpendiculairement sur la terre et semant dans le lointain une bruine à peine perceptible. Le soir ces nuages disparaissent ; les derniers, bruns et vagues comme la fumée, s’abaissent à l’orient en flocons roses, en face du soleil qui se précipite à l’occident ; à l’endroit où il a disparu dans sa majesté, aussi paisiblement qu’il s’était élevé après l’aube, une lueur empourprée demeure peu d’instants au-dessus de la terre livrée à la nuit ; mais l’étoile du soir s’y