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D’UN SEIGNEUR RUSSE. 165

je vois, je ne puis en croire mes yeux.... c’est que vous êtes là, nos pères, nos.... »

G’était bien joué. Arcadi Pavlytch me regarda, üt un petit rire et me dit en français : N’est-ce pas que c’est touchant ? Ah ! Arcadi Pavlytch, reprit le bourmistre, qu’allez-vous devenir ici ? à présent, je pense, vous m’afHigez tout à fait, vous ne m’avez pas fait savoir que vous viendriez.... Comment passerez-vous cette nuit, Dieu du ciel’ !’ici c’est poudreux, c’est malpropre....

— Ce n’est rien, Sophron, ce n’est rien, répondit en souriant Arcadi Pavlytch ; ici c’est bien. *

- Bien ! nos pères chéris, bien, oui, mais pour qui ? pour nous autres manants, c’est bien.... Mais pour vous !... Ah ! nos pères, ah ! nos bienfaiteurs, pardonnez à un pau- c vre imbécile ; oui, quoi, j’ai l’esprit tourné à l’envers, Dieu du ciel, à l’envers ; je suis fou de tant de bonheur. » On servit le souper ; Arcadi Pavlytch se mit à souper. Le vieillard üt vite sortir son üls, qui exhalait une odeur champêtre trop forte, à ce que disait le père même, qui se tenait comme un automate à quelques pas de la table. * Eh bien ! vieux, en as-tu fini avec les voisins, pour la limite ? dit M. Péenotchkine. ’

— Fini, bârine, fini, grâce à toi, à ton nom. Avant-·hier nous avons signé l’accord. Les Khlynovski y ont d’abord fait bien des façons. Ils demandaient et ci et ça, et encore, et Dieu sait quoi. Des braques, les pauvres gens, des sots ! Mais, nous père, grâce à ta générosité, nous avons.... satisfait Nicolas Nicolaévitch. Nous avons agi selon les instructions, bàrine ; comme tu as dit, nous avons fait ; oui, nous avons tout arrangé et terminé selon ce que nous a rapporté de ta volonté Égor Dmitritch. ’

— Egor m’a fait son rapport, dit majestueusement Arcadi Pavlytch.

— Eh ! comment donc autrement, bârine ? Égor Dmitritch sait ce qu’on doit faire. A

— çà maintenant, vous êtes contents ? »· Sophron n’attendait qu’un mot pareil pour entonner de nouveau ses : « Ah ! vous, nos pères, nos sauveurs et bien-