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1 88 ’. MEMOIRES

Qu’est-ce que tu fais, qu’est-ce que tu fais, buter ? dit le regardant sans trace de colère mon honorable hôte ; d’ici ; va, va chez moi, ajouta-t-il en repoussant presque moujik fort étonné. Va chez moi, tu demanderas ma femm qui te servira du thé, entends-tu ; moi j’irai tout de sui va donc, et n’aie pas peur, on te’dit, va. ·· Sidor sortit. ·

Voilà un ours ! » marmotta le chef du comptoir en br lant la tête et reprenant son stchéty. Tout à coup retentirent au dehors et ensuite sur le perm Koupriane, Koupriane, Koupriane ! oh ! Koupriane n’a ici son maître ! » Et quelques moments après entra d le comptoir un homme de petite taille, d’extérieur rac tique, au· nez démesurément long, aux grands yeux biles et aux poses les plus burlesquement orgueilleuses. homme était vêtu d’un vieux lambeau de surtout de coul roussâtre, à collet de peluche et à boutons du plus modèle. Il avait une charge de bois à brûler sur led Autour de lui se pressaient cinq ou six hommes qui t criaient à l’euvi : « Koupriane ! voilà. Koupriane pro chauffeur de poëtes, chauü’eur, chauH’eur ! comment donc ! Mais le tier Koupriane n’honorait pas de la moindre atte tion son escorte bruyante ; il ne changeait nullement visage ; il alla jusqu’au poëte à pas comptés, s’y déb rassa de sa charge, se redressa, tira de l’une des poc de ses basques sa vieille tabatière, et, se rembourra nez d’un tabac gris où la cendre était au moins pour tiers’.

A l’entrée de la tumultueuse phalange, mon hôte fre les sourcils, et se leva de sa place ; mais ayant vu qu’il s’agissait que de faire endéver un pauvre diable, il sou et se borna à interdire les cris, en ajoutant : « Il y a ici chasseur qui dort. ’

— Qu’est-ce que c’est que ce chasseur ? demandèrent d hommes à la fois.

1. Le tabac russe des pauvres gens est connu pour être très-mèlé cendre. Le poivre est si cher !

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