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un tel bârine... non, non, il n’a pas son second dans’tout le gouvernement, allez !

— En route ! » dis-je à mon cocher.

Voilà, voilà bien la vieille Russie, pensai-je en rentrant chez moi.

XIV.

Lébédiane ou la petite ville russe.

Un des principaux avantages de la chasse consiste en ce’qu’elle vous fait perpétuellement passer d’un lieu à un autre. et, pour un oisil’, cette locomotion est d’un agrément incontestable. Il faut bien avouer que parfois, surtou ! en temps de pluie, il n’est pas fort plaisant d’errer dans des chemins de traverse, d’aller à la garde de Dieu, d’arrête1 chaque paysan qui passe pour lui dire : ·· Hé ! l’ami, par où faut-il prendre pour gagner Mordovka ? · » Et, à Mordovka, d’aller demander à une baba stupide (les hommes sont tout aux champs) s’il y a loin avant de rencontrer quelque auberge de grande route, et quel est le chemin le plus direct pour y arriver ; et, après avoir parcouru encore dix verste : avec des chevaux éreintés, de se voir, non devant une auberge, mais dans quelque village seigneurial très-misérable, du nom de Khoudoboubnof, au grand étonnement de tout un troupeau de pourceaux pataugeant au beau milieu dela rue, plongés la plupart jusqu’aux oreilles dans une boue noirâtre, et n’imaginant guère qu’âme qui vive puisst venir les troubler dans le bain ou ils s’ébattent à loisir. I] n’est pas amusant non plus d’être cahoté de proche en p ’ che sur des ponts branlants, d’opérer une descente dansrtâ profonds ravins, de passer un gué à travers les embranch ments d’un courant lent et marécageux ; rien de moi délicieux que de rouler des journées entières sur la m verdoyante de certaines de nos grandes routes, ou, qî