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i D’UN SEIGNEUR RUSSE. 21’7 ï

dions : « Tcheouki ! tcheoukil tcheouki ! tcheouk ! tcheouki ! tcheouki ! tcheouk ! ».

—Qu’est-ce que c’est que cela ? lui demandai-je avec étonnement. — Ce n’est rien ; un drôle que je fais fouailler d ?importance ; Vacia, mon buvetier, vous savez ?

— Vacia, dites-vous ?

— Eh oui ! Vacia, qui à dîner, avant-hier, nous servait à boire. Ce grand, vous vous rappelez, qui a de si énormes favoris, de vraies brosses. Ah ! vous y êtes à présent ? » ’

La plus profonde indignation n’aurait pu tenir devant le regard limpide et naturellement doux de Mardari Apollonorritch. Je. m’abstins de tout geste et de toute parole, mais il paraît que mon œil, braqué sur sa bonne face réjouie, lui donna un peu à penser, car il ajouta presque aussitôt : « Qu’est-ce qu’il y a, jeune homme- ? voyons, qu’est-ce iqu’il y a ? me dit-il en branlant la tête... ; »Je suisun grand soélérat ; ah ! oui, à voir comme vous me regardez.... Vous savez le ·proverbe : « Qui aime bien, châtie bien. » Il-n’est pas d’hier ce principe-là. ~. J

Un quart d’heure après cette conversation, je pris congé de Mardari Apollonovitch et partis. ’ · En.traversant le village, j7entrevis le huvetier Vacia, l’homme aux grands favoris. Il longeait la rue, .et, tout en marchant, il croquait des noisettes. Je fis arrêter ma calèche et j’appelai cet homme. #

Qu’est ce que c’est donc, frère ? on t’a chàtié aujourd’hui ? r. · ~ J

— Comment se fait-il que vous sachiez cela ? répondit Vacia. J

— Je le sais parce que ton maître me l’a dit.. — Mon maître lui-même ? · ·

— Oui. çà, pourquoi t’a-t-il fait rosser ? - Il y avait une raison, monsieur, certainement. Chez nous, on n’est pas rossé sans cause.... non, non, non ; chez nous, rien de pareil, non, non ; chez nous, le bârine n’est pas comme ça ; chez nous, c’est un bàrine.... Ho ! ho ! ho !