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teurs chevaux dexcharroi, de roulage, de trait, de labouit et simples rosses de paysan. Plusieurs, ·bien nourris a soigneusement étrillés, étaient ·dist-ribués par nuances dl

·pelage, couverts de housses bariolées, attachés de fort prèl

à la haute traverse zdu fond des kibitkas, rangeant craintf pvement leur train de derrière sous l’ombre du fouet à eul trop bien connu de messieurs les maquignons leurs maîtres Les chevaux de seigneurs, envoyés par de riches gentilshont mes, d’un rayon de cent et de deux cents verstes, sous ll - garde de quelque vieux cocher et de deux ou trois intrépide garçons de haras, secouaient leur’longue encolure, piéti naient d’ennui et rongeaient les dossiers des télègues. IÀ juments de Viatka, aurpelage rouan vineux, se tenaieil étroitement serrées les· unes contre les autres ; on voyaitj contraire, immobiles comme des lions de bronze, se tenirs parés, à. distance presque égale et à quelques doigts l’un dl l’autre, les trotteurs aux larges croupes, aux fortes queues od duleuses, aux jambes velues au-dessus du sabot, à la robe gri pommelé, ou noire, ou alezan. C’était devant ceux-ci que ld amateurs s’arrêtaient avec une respectueuse admiration. Au milieu d’une cohue bigarée, dans les rues et dad les ruelles formées par les chariots, pullulaient des groul pes d’hommes de tout âge, de toute condition et de tout aspect ; c’étaient des maquignons en cafetans bleus, el hauts bonnets, qui scrutaient les allants et les venantsl et guettaient les acheteurs d’un œil très-subtil ; des bd hémiens aux yeux éraillés ou striés de bile, à la chel velure noire et bouclée, qui se croisaient en tout sensl s’agitant comme des ·chats échaudés, tout en regardant ld chevaux aux dents, tout en leur relevant les pieds et ll queue ; et ils criaient, s’injuriaient, ~se portaient média teurs, tiraient au sort, faisaient leur manège autour d’un rd monteur en casquette à passe-poil jaune ou bleu, ou rouge et en manteau militaire, à collet’de castor. Un gros et grant Cosaque passait a-cheval sur un hongre des plus maigres, encolure de cerf, qu’il vendait tout sellé et bridé. C’étaien des paysans en touloups déchirés à l’aisselle, qui se fai saient jour en vrais désespérés au travers de la foule comt