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Page:Tourgueniev - Mémoires d’un seigneur russe.djvu/24

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Si MEMOIRES

Kalinytch est un brave homme, un bon paysan, très-p serviable. G’est dommage qu’il ne puisse pas se mettre enménage ni s’arranger une chaumière ; je le tire toujours à moi ; chaque jour il me suit à la chasse ; où prendrait-il le moment de se faire un petit chez soi, n’est-ce pas ? — Sans doute. »

J Nous allàmes nous coucher.

Le lendemain, M. Poloutykine dut se rendre à la ville avec son voisin de campagne, nommé Pitchoukof. Le voisin Pitchoukof avait, en labourant son champ, gagné quelque peu de.terrain, et c’était entre eux matière à contestation. Je ne sais s’ils partirent bons amis ; moi, je chassai seul ce jourla.·Le soir, je pris machinalement le chemin du clos de Khor. Je trouvai sur le seuil de la chaumière un vieillard grisonnant et demi-chauve, de petite taille, mais large d’é· paules et bien constitué : c’était Khor en personne. J’observai curieusement ce brave homme, dont le galbe rappelle la plupart des bustes de Socrate : front très-haut et bosselé, petits yeux pénétrants, nez épaté. Il me lit entrer chez lui. Fédia me servit du lait etdu pain noir. Khor s’assit sur lebanc qui faisait a peu près le tour de la chambre ’. Et en passant doucement la main sur les ondes de sa barbe, il se mit àcauser avec moi. Il me parut avoir une idée bien arrêtée sur sa dignité d’homme de sens ; il parlait et se mouvait lentement, « et de temps en temps un mouvement de sa lèvre, répété par sa longue moustache, trahissait un léger sourire. Nous causàmes de semailles, de moissons, du genre de vie, du paysan.... Il parut être de mon avis sur tous les points. Bientôt cela me sembla fastidieux ; je sentis que je perdais, moi, de ma dignité dans une causerie sans but. Khor était y discret et réservé ; il ne croyait pas qu’il fût prudent ou convenable de se montrer autrement. Voici un échantillon de notre conversation :

çà, Khor, lui dis-je, pourquoi rester serf au lieu de te racheter’Z.

— Pourquoi me rachèterais-je ? Je connais maintenant W

I 1. Fixé au mur comme dans toutes les chaumières russes.