ans avant vous. Je me rappelle que Schiller a dit quelque part :
Und schrecklich ist des Tiegers Zahn,
Doch das schrecklichste der Schrecken
« Et je vous assure qu’il n’a pas dit là ce qu’il voulait dire ; il devait dire
— Ça, mais, qu’est-ce que vous trouviez donc de si abominable dans le cercle ? demandai-je à ce pauvre monsieur à qui le dîner, un peu trop long il est vrai, avait probablement agité les nerfs ce soir-là.
— Ce que j’y ai trouvé d’abominable ? s’écria-t-il, le voici. Le cercle, à mon sens, est, pour tout jeune homme, la pelisse qui en huit jours déprime nos habits, l’étouffoir moral qui tue en nous la personnalité de l’esprit et du cœur ; c’est la foule, la presse où l’on perd la respiration avec sa bourse, sa montre et son mouchoir de poche. Le cercle, c’est la vie collective substituée à la vie individuelle nécessaire au développement de l’âme, c’est un règlement oppressif donné à ce qui ne peut que périr ou languir sous la règle, c’est une belle forêt, ravagée par des fous qui veulent faire de tous les arbres indistinctement ce qu’on fait du tilleul et du charme dans les jardins des riches, un décor. Le cercle remplace les libres entretiens par des dissertations ; il vous accoutume à un stérile parlage, il vous détourne du travail isolé, de l’étude suivie, de la méditation intime ; ilvous inocule le scribendi cacoethes ; il vous prive de la sève bienfaisante, de la fraîcheur virginale de l’âme. Le cercle ! eh mais, c’est la platitude, le nivellement forcé au lieu des saillies