Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/159

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— Vous ne le comprenez pas ?… cependant vous vous l’expliquez d’une manière quelconque ?

— Oui, je suppose que vous restez à la même place parce que vous êtes gâtée, parce que vous aimez le comfort, et que vous êtes fort indifférente à tout le reste.

Madame Odintsof sourit de nouveau.

— Vous ne voulez décidément pas admettre que je sois susceptible de me laisser aller à mon imagination ?

— Par curiosité peut-être, lui répondit Bazarof en la regardant en dessous, mais pas autrement.

— En vérité ! Oh ! alors je comprends pourquoi nous nous entendons si bien ; vous m’êtes à cet égard tout à fait semblable.

— Nous nous entendons ?… répéta sourdement Bazarof.

— Au fait ! j’avais oublié que vous voulez partir.

Bazarof se leva. La lampe brûlait faiblement au milieu de la chambre embaumée et assombrie, le store se balançait de temps en temps et laissait pénétrer la fraîcheur voluptueuse et les bruits mystérieux de la nuit. Madanie Odintsof était complètement immobile, mais une secrète émotion s’emparait d’elle peu à peu… et gagnait Bazarof. Il comprit tout à coup qu’il se trouvait en tête à tête avec une femme jeune et belle…

— Où allez-vous ? lui dit-elle avec lenteur.

Il ne lui répondit pas et retomba sur sa chaise.

— Ainsi, vous me supposez heureuse, gâtée par la fortune, continua-t-elle de la même voix et en tenant