Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/167

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— En vérité ? Je voudrais bien savoir à quoi vous pensez.

— Comment ? Je ne vous comprends pas.

— Écoutez-moi ; il y a longtemps que je désire m’expliquer avec vous. Je n’ai pas besoin de vous dire que vous n’êtes pas un homme ordinaire, vous le savez fort bien. À votre âge on a encore une longue route devant soi. À quoi vous préparez-vous ? Quel est l’avenir qui vous attend ? Quel est le but auquel vous visez ? Où allez-vous ? Qu’avez-vous sur le cœur ? En un mot, qui êtes-vous, qu’êtes-vous ?

— Vous m’étonnez, madame. Vous savez fort bien que je m’occupe de sciences naturelles ; et, quant à ma personne…

— Oui, qui êtes-vous ?

— J’ai déjà eu l’honneur de vous dire que je suis un futur médecin de district.

Madame Odintsof fit un signe d’impatience.

— Pourquoi me parlez-vous ainsi ? reprit-elle ; vous ne croyez pas vous-même à ce que vous dites. Arcade aurait pu me répondre de cette façon, mais vous ?

— Mais en quoi Arcade…

— Laissez-donc ! Est-il possible qu’une sphère d’activité aussi modeste puisse vous contenter ? N’affirmez-vous pas vous-même, que vous ne croyez pas à la médecine ? Un médecin de district ? Vous ! avec votre amour-propre ! Vous ne me répondez ainsi que pour vous débarrasser de ma question. Je ne vous inspire aucune confiance. Cependant, Eugène Vassilitch, je