Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ivanovitch d’une voix qui exprimait une sorte d’angoisse. — Figure-toi qu’il arrive chez un malade, lorsque celui-ci était déjà ad patres. Le domestique ne veut pas le laisser entrer, et lui dit : « On n’a plus besoin de vous maintenant. » Le docteur, qui ne s’attendait pas à cette réponse, se trouble et demande au domestique : « Est-ce que le malade a eu le hoquet avant de mourir ? — Oui. — Et très-fort ? — Oui. — Ah ? c’est très-bien ! » Et il repart, ha ! ha ! ha !

Le vieillard fut seul à rire ; Arcade sourit par complaisance, Bazarof se contenta d’aspirer une bouffée de tabac. La conversation dura ainsi près d’une heure ; Arcade s’était rendu dans sa chambre, qui se trouvait servir d’antichambre au bain, mais n’en était pas moins très-convenable. On vit enfin paraître Tanioucha, qui annonça que le dîner était prêt.

Vassili Ivanovitch se leva le premier.

— Allons, messieurs, pardonnez-moi généreusement, si je vous ai ennuyés. J’espère que ma ménagère vous contentera plus que moi.

Le dîner, quoique préparé à la hâte, fut très-bon, même abondant ; le vin seul laissait un peu à désirer : le xérès, de couleur presque noire, que Timoféitch avait acheté à la ville chez un marchand de sa connaissance, avait un arrière-goût de colophane et de cuivre. On était aussi fort incommodé par les mouches ; ordinairement un petit domestique les chassait avec une branche d’arbre ; mais Vassili Ivanovitch l’avait dispensé de ce soin pour ne pas s’exposer aux critiques des