Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/273

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Je n’aime Heine, — reprit Katia en montrant des yeux le livre qu’Arcade avait sur les genoux, — ni lorsqu’il rit, ni lorsqu’il pleure. Je l’aime lorsqu’il est triste et rêveur.

— Et moi, je l’aime lorsqu’il rit, répondit Arcade.

— C’est un vieux reste de la direction satirique de votre esprit.

(Un vieux reste ! se dit Arcade. Si Bazarof l’entendait !)

— Attendez un peu, nous vous changerons.

— Qui cela ? Vous ?

— Qui ? Ma sœur, Porphyre Platonitch avec lequel vous ne vous disputez déjà plus ; ma tante, que vous avez accompagnée avant-hier à l’église.

— Je ne pouvais pas m’y refuser ! Quant à Anna Serghéïévna, vous savez qu’elle était d’accord sur beaucoup de points avec Eugène.

— Ma sœur se trouvait alors sous son influence aussi bien que vous.

— Aussi bien que moi ? Avez-vous donc remarqué que je me sois déjà soustrait à cette influence ?

Katia ne répondit point.

— Je sais, reprit Arcade, qu’il vous a toujours déplu.

— Je ne peux pas le juger.

— Savez-vous une chose, Katerina Serghéïévna ? Chaque fois que j’entends cette réponse, je n’y crois pas. Personne, que je sache, n’est au-dessus de notre jugement. C’est tout bonnement une défaite.

— Eh bien, je vous dirai qu’il ne me déplaît pas