Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/313

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que chose… comme une infection épidémique…

— C’est une pyoémie, dit son fils.

— Oui… une infection épidémique.

— Une pyoémie, répéta Bazarof distinctement et d’un ton rude ; tu as donc oublié les cahiers d’étude ?

— Allons ! je le veux bien… je le veux bien… mais toujours est-il que nous te guérirons.

— Chansons que tout cela ! Parlons raison. Je ne pensais pas mourir sitôt ; c’est là un incident qui, je l’avoue, me paraît assez désagréable. Ma mère et toi, vous ferez bien de recourir à vos sentiments religieux ; voilà une belle occasion de les mettre à l’épreuve. — Il but un peu d’eau. — Il faut que je te demande quelque chose pendant que ma tête est encore à mes ordres. Demain ou après-demain ma cervelle aura donné, comme tu le sais, sa démission. Il est possible même que maintenant je ne m’exprime pas bien clairement. Tout à l’heure je me croyais poursuivi par des chiens rouges, et tu m’attendais à l’affût absolument comme on attend un coq de bruyère. Il me semble que je suis ivre. Me comprends-tu bien ?

— Certainement, Eugène, tu parles très-sensément, comme d’habitude.

— Tant mieux ; tu m’as dis que tu as envoyé chercher un médecin… Je ne t’ai pas empêché de te procurer cette satisfaction… procure-m’en une à ton tour : il faut envoyer un exprès…

— À Arcade Nikolaïevitch ? demanda le vieillard avec empressement.