Page:Tourgueniev - Premier Amour, trad. Halpérine-Kaminsky.djvu/194

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
180
PREMIER AMOUR

craignais de me rendre compte de quoi que ce fût. Je me bornais simplement à vivre à la hâte pendant le jour ; et la nuit, je dormais… L’insouciance de l’enfance m’y aidait.

Je ne voulais pas savoir si l’on m’aimait, et je ne voulais pas convenir en moi-même qu’on ne m’aimait pas. Je fuyais mon père ; mais Zinaïda, je ne le pouvais ; la présence de celle-ci me brûlait comme du feu. Mais pourquoi me serais-je préoccupé du genre de feu sous lequel je brûlais et fondais, du moment qu’il était doux pour moi de brûler et de fondre ?

Je m’abandonnais à toute son influence ; j’essayais de me tromper moi-même, je me détournais de mes souvenirs et je fermais les yeux sur l’avenir.

Cet état n’aurait pas pu durer longtemps. Un coup de tonnerre arrêta net les choses et me jeta sur une nouvelle voie.

En rentrant un jour pour le dîner après une