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PREMIER AMOUR

assez longue promenade, j’appris avec étonnement que je dînerais seul, que papa était parti, que maman, étant souffrante, ne voulait pas dîner et s’était enfermée dans sa chambre. Mais, par les figures des valets, je compris que quelque chose d’extraordinaire avait dû se passer. Je n’osais pas interroger, mais j’avais un ami dans le jeune maître d’hôtel Philippe, un admirateur passionné de poésie et un artiste sur la guitare. Ce fut à lui que je m’adressai.

J’appris de lui qu’entre maman et papa avait eu lieu une scène terrible : de la lingerie on entendait tout ; beaucoup de choses avaient été dites en français, mais la femme de chambre avait été cinq ans chez une couturière à Paris et comprenait tout. Maman avait reproché à papa son infidélité et ses relations avec la demoiselle voisine. Au commencement papa s’était défendu ; puis il s’était emporté et avait