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PREMIER AMOUR

comme étourdi. Je savais bien que mon père, froid et retenu, était pris parfois d’accès de rage, et malgré cela je ne pouvais encore revenir de ce que j’avais vu, et je n’y comprenais rien. Mais je sentis du premier moment que de ma vie il me serait impossible d’oublier ni le mouvement, ni le regard, ni le sourire de Zinaïda ; que son image, cette image nouvelle qui s’était soudainement dressée devant moi, se gravait pour toujours dans mon esprit. Je regardais stupidement la rivière et je ne sentais pas que les larmes coulaient de mes yeux. « On la bat… pensai-je. On la bat… On la bat !… »

— Eh bien ! donne-moi mon cheval ? dit derrière moi la voix de mon père.

Je lui tendis machinalement la bride. Il sauta sur Electric ; le cheval qui avait froid se cabra, et fit en avant un saut de trois mètres. Mais mon père le maîtrisa bientôt, en lui en-