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PREMIER AMOUR

d’une pauvre vieille femme qui habitait la même maison que nous.

Couverte de loques, sur de dures planches, avec un sac pour oreiller sous la tête, elle râlait péniblement. Toute sa vie s’était passée dans une lutte amère contre la misère de chaque jour. Elle n’avait connu aucune joie ; elle n’avait jamais goûté au miel du bonheur, il semblait qu’elle dût se réjouir de la mort qui était pour elle la délivrance et la paix ; et, cependant, tout le temps que son vieux corps s’entêta à vivre, que sa poitrine se soulevait douloureusement sous sa main refroidie, avant que ses dernières forces l’eussent abandonnée, la vieille ne cessait pas de faire des signes de croix et de murmurer :

— Seigneur, pardonne-moi mes péchés !

Ce ne fut qu’avec la dernière lueur de son intelligence que ses yeux n’exprimèrent plus l’appréhension et la peur de la fin.