Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/104

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joüer : est-il surprenant aprés cela qu’elles ayent des enfans noüez ou contrefaits ? le sang des femmes du Levant est beaucoup plus pur. Leur propreté est extraordinaire ; elles se baignent deux fois la semaine et ne soufrent pas le moindre poil ni la moindre crasse sur leur corps ; tout cela contribuë fort à leur santé. Elles pourroient s’épargner le soin qu’elles prennent de leurs ongles et de leurs sourcils, car elles se colorent les ongles en rouge brun avec une poudre qui vient d’Egypte, et elles mettent une autre drogue sur leurs sourcils pour les rendre noirs.

A l’égard des qualitez de l’ame, les femmes Turques ne manquent ni d’esprit, ni de vivacité, ni de tendresse ; il ne tiendroit qu’aux hommes de ce pays-là qu’elles ne fussent capables des plus belles passions : mais l’extrême contrainte avec laquelle elles sont gardées leur fait faire trop de chemin en peu de temps. Les plus vives font quelquefois arrêter par leurs esclaves les gens les mieux faits qui passent dans les ruës. Ordinairement on s’adresse à des Chrétiens, et l’on n’aura pas peine à croire qu’on ne choisit pas les moins vigoureux en apparence. On nous contoit à Constantinople, qu’un Papas Grec de belle taille, au retour d’une expedition galante tomba malheureusement dans une trappe par la faute de l’esclave qui le conduisoit ; cette trappe aboutissoit à un égout, et l’égout se vuidoit dans le port : on peut juger combien ce pauvre Papas maudissoit l’avanture, et avec quelle vitesse il courut au bain pour se faire parfumer. Les esclaves Juives, qui sont les confidentes des Turques, entrent à toute heure dans leurs appartemens sous pretexte de leur porter des bijoux, et menent souvent avec elles de beaux jeunes garçons déguisez en filles ; on prend soin de mettre un vertugadin sous le doliman pour grossir leur taille. L’heure de la priere du matin et du soir, est pour l’ordinaire