Page:Tournefort Voyage Paris 1717 T2.djvu/103

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Pour faire paroître leur taille plus avantageuse, au lieu de turban elles portent un bonnet de carton couvert de toile d’or ou de quelque belle etoffe : ce bonnet qui est fort haut ressemble, en quelque maniere, à cette espece de panier renversé que l’on voit dans les Medailles antiques sur les testes de Diane, de Junon et d’Isis ; la mode s’en est conservée dans le Levant : mais comme il faut tout cacher parmi les Turcs, le bonnet est envelopé d’un voile qui descend jusques aux sourcils ; le reste du visasge est aussi couvert d’un mouchoir tres fin, si étroitement noué par derriere, que ces femmes paroissent comme bridées. Leurs cheveux pendent par tresses sur le dos, ce qui leur donne assez bonne grace ; celles qui n’ont pas de beaux cheveux, en portent de postiches.

Les femmes Turques, sur le rapport de nos Françoises de Constantinople et de Smyrne qui les voyent au bain avec beaucoup de liberté, sont en général belles et bien faites ; elles ont la peau fine, les traits réguliers, la gorge admirable, et presque toutes les yeux noirs : il s’en trouve plusieurs qui sont d’une beauté parfaite. Leur habit à la verité n’est pas avantageux à la taille ; mais chez les Turcs les plus grosses femmes passent pour les mieux faites, les tailles fines n’y sont pas estimées. La poitrine de ces femmes est en pleine liberté sous leur veste, sans corps ni corset qui les gêne : enfin elles sont comme la nature les a faites, au lieu que chez nous, pour vouloir corriger avec des machines de fer ou de baleine cette nature qui dans un certain âge laisse voir quelquefois des defauts sur l’épine du dos et aux épaules, on rend tres souvent les belles personnes contrefaites. D’ailleurs leur nourriture est beaucoup plus douce et plus uniforme que celle de nos femmes qui mangent des ragouts, qui boivent du vin, des liqueurs, et qui passent la plus grande partie des nuits à